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Haïti : maintenir notre action malgré l’emprise des gangs

Qu’elles soient climatiques, politiques, sécuritaires ou alimentaires : l’histoire d'Haïti est marquée par une multiplicité de crises qui s’entremêlent et paralysent le pays.

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Outre les violents séismes, cyclones et autres tempêtes tropicales qui dévastent régulièrement le pays, Haïti est en proie à une crise politique profonde ayant entraîné le développement de gangs armés. Des gangs aujourd’hui en guerre pour le contrôle de certains territoires, au prix d’une violence inouïe. La situation n’a fait que se dégrader depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021 et son remplacement par intérim par le premier ministre Ariel Henry, dont l’autorité et la légitimité sont on ne peut plus contestées. Cela fait maintenant six ans qu’aucune élection n’a pu être organisée et à l’heure actuelle, il n’y a plus aucun représentant élu. 


Une insécurité grandissante 

Les gangs armés contrôlent aujourd’hui 60% du territoire et sèment la terreur à travers le pays, en particulier à Port-au- Prince, sa capitale. Enlèvements réguliers contre rançons, fusillades, viols : la liste des atrocités commises est longue. La mainmise de ces gangs armés sur des endroits stratégiques comme les zones pétrolières et certaines routes entraîne une explosion du prix du carburant, des matières premières et des denrées alimentaires qui ne circulent plus librement dans le pays. Cette instabilité fait peser une menace importante sur la sécurité des populations, mais aussi de nos équipes haïtiennes qui évoluent chaque jour dans un climat d'incertitude et de violences.

Une action entravée 

Haïti est un pays de coopération historique pour AVSF qui lutte contre l’extrême précarité des familles paysannes depuis 1992. Plusieurs projets sont en cours au nord, au sud et dans la Grande Anse, pour développer l’agroforesterie et les filières durables et équitables de cacao, café et vétiver. « Avec la hausse des prix des denrées alimentaires, les systèmes agroforestiers, qui associent des cultures vivrières pour l'autoconsommation aux cultures dédiées à l’export, sont plus que jamais primordiales » indique Pierre Du Buit, chargé de programme en charge du suivi d'Haïti. L’enjeu est en effet d’assurer la sécurité alimentaire des familles et l’approvisionnement des marchés locaux.

Les équipes d’AVSF en Haïti font tout leur possible pour continuer leurs activités mais doivent faire face à de nombreux obstacles. Il est ainsi devenu extrêmement difficile de se rendre dans les zones rurales depuis la capitale par voie terrestre. Aussi, l’inflation entraîne une hausse importante des coûts d’actions telles que la construction de nouvelles infrastructures (bâtiments de stockage, etc.) ou l’approvisionnement en semences.

S’adapter pour continuer à agir

« Le plus important, c’est de maintenir les services fondamentaux pour les familles paysannes, sans compromettre la sécurité de nos collègues. C’est une équation à laquelle les équipes sur le terrain sont malheureusement confrontées chaque jour » explique Pierre Du Buit. Pour cela, des dispositifs de sécurité ont été instaurés, définis par le siège et l’équipe haïtienne. La communication entre les équipes sur le terrain, à Port- au-Prince et au siège, a été renforcée pour assurer un suivi accru de la situation et un système de téléphonie satellitaire a été mis en place pour conserver le lien avec les équipes dans les zones reculées. En ville et à la capitale, les déplacements sont limités, le télétravail est de plus en plus fréquent et obligatoire en cas d’alerte de sécurité. Lors des déplacements, la discrétion est de mise comme elle l’a toujours été en Haïti, sans affichage d’AVSF. 

Comme le souligne Pierre Du Buit, « la force des équipes locales, c’est leur remarquable engagement et capacité de résilience, elles s’adaptent quotidiennement pour maintenir les activités sur le terrain et le lien avec les populations rurales malgré les crises ».