En 2012, le coup d’État qui a conduit à la destitution du président Amadou Toumani Touré a fait déferler une grande vague d’insécurité dans le pays. Au-delà des forces armées maliennes, différents groupes armés (indépendantistes, séparatistes et plus récemment radicaux) s’affrontent, et certains imposent désormais leur emprise et leurs règles dans plusieurs régions du pays. Depuis, plusieurs activités d’AVSF au service des paysans-nes et des éleveurs-euses, ont été réduites, ou ont dues s’arrêter dans les zones de conflits armés, pour des raisons d’insécurité, de difficultés d’accès au terrain et aux financements.
Les familles rurales, premières victimes des conflits
Certains groupes armés se livrent quotidiennement au banditisme, pillage, vols de bétail ou assassinats... Dans ces conditions, certaines communautés rurales se voient forcées de fuir et abandonnent leurs cultures. En 2023, on estime que sur les 21 millions de personnes que compte le pays, 2,3 millions sont en situation d’insécurité alimentaire et 2,5 souffrent de malnutrition, dont 80% d’enfants.
D’autres paysans-nes parviennent coûte que coûte à maintenir leurs activités, malgré les contraintes à la fois sécuritaires, financières (augmentation du coût de la vie et des intrants) et sanitaires (des épidémies récurrentes touchent les hommes et les animaux). Aussi, les difficultés d'accès aux marchés et les aléas climatiques très importants en zone sahélo- saharienne aggravent la situation.
AVSF accompagne les agropasteurs, qui combinent productions végétales et animales, et les collectivités locales depuis 1984. « En zone de crise, nos actions adressent les besoins de survie des paysans et paysannes, comme la mise en place d’un service mobile de santé humaine et animale, mais leur permettent également de maintenir leurs capacités de production et de commercialisation », résume Marc Chapon, coordinateur national d’AVSF au Mali.
Plus largement, l’intervention d’AVSF tend à prévenir les conflits, ou à les apaiser, en créant plus de dialogue entre les différents acteurs du territoire, grâce à des actions qui répondent aux besoins et intérêts transverses à toutes les communautés et consolident les moyens de production des agro-pasteurs. Tout l’enjeu est de parvenir à une meilleure compréhension mutuelle des besoins des populations et de trouver des solutions communes. C’est pourquoi l’ensemble de nos actions au nord du Mali sont menées conjointement avec l’ONG malienne ADESAH, les chefferies traditionnelles, les coopératives d'agro-pasteurs, les collectivités, ainsi que les services de l'État.
Compte tenu de la situation volatile du pays et de la dégradation des relations politiques entre les gouvernements malien et français, les équipes d’AVSF doivent quotidiennement s’adapter et respecter de strictes règles de sécurité. Les projets connaissent parfois des périodes de suspension, lorsque l’évaluation du risque est jugée trop élevée. Maintenir un maximum d’actions au service des familles rurales sans compromettre la sécurité des équipes reste notre priorité.
« Après plus de 20 ans au Mali, comme responsable de projet à Tombouctou puis comme coordinateur national, j’ai mené des actions riches en échanges, en synergie avec des acteurs des territoires ruraux qui ont appris à mieux se connaître. Ces concertations ont permis de lever de nombreuses incompréhensions ayant abouti par le passé à des tensions fortes. Elles ont aussi contribué à prévenir une extension de la violence.
Les crises sont néanmoins de plus en plus nombreuses et rapprochées et impliquent une multiplicité d’acteurs armés. La paupérisation des populations s’accroît. Et fait majeur dont nous devons tenir compte : les jeunes de ces territoires revendiquent une part plus active dans les décisions locales, au risque que les pouvoirs traditionnels ne soient plus aussi écoutés et suivis que par le passé. »