Majoritairement produite en Afrique de l’Ouest, transformée en Asie, avant d’être consommée en Europe sous la forme d’amandes de cajou, la chaîne de production et transformation de l’anacarde mérite d’être repensée pour revaloriser les revenus de celles et ceux qui la produisent et réduire son empreinte carbone.
Complémentaire aux cultures annuelles (céréales, arachide, coton, etc.), l’anacarde est intéressante pour les producteurs ouest-africains. Mais comme pour beaucoup de produits agricoles, sa valeur ajoutée réside dans l’étape de transformation. Une valeur ajoutée qui échappe généralement aux producteurs africains : 98% de leur production brute est vendue à des intermédiaires, qui l’exportent en Asie où elle sera transformée en amande de cajou.
C’est de ce constat qu’est née l’idée de création d’une entreprise sociale et solidaire de transformation de noix de cajou, ETHICAJOU, fruit d’une coopération entre AVSF, l’entreprise Ethiquable, et trois coopératives de producteurs et de transformatrices.
Depuis 2020, plus de 1 100 producteurs-ices ont déjà été formés et certifiés en production biologique et équitable. En relocalisant l’étape de transformation à Kolda, Ethicajou permet de raccourcir le parcours des noix de cajou tout en créant des emplois dans une région du Sénégal défavorisée, où la moitié des habitants vit sous le seuil de pauvreté.
Outre les prix équitables et stables qu’elle offre aux producteurs pour les noix de cajou brutes, l’entreprise permet de faire vivre 116 personnes, dont 90% des femmes transformatrices, auparavant sans emploi et aujourd’hui rémunérées 20 % au-dessus du salaire minimum local. Ethicajou a également à cœur de mettre en place des solutions pour réduire la pénibilité du travail en automatisant certaines tâches et de limiter les risques pour la santé par des mesures de protection des employées.
En évitant aux noix un aller retour au bout du monde, relocaliser l’étape de transformation diminue considérablement l’impact carbone lié au transport, mais ce n’est pas tout. Au Sénégal comme au Burkina Faso, les projets d’AVSF en lien avec la transformation des noix de cajou visent également à réduire les déchets et l’utilisation de bois.
Avant de pouvoir les décortiquer, il faut fragiliser les noix en les faisant bouillir, ce qui demande beaucoup de combustible. Ethicajou comme la Coopake, coopérative burkinabaise accompagnée dans le cadre du Programme Équité, ont mis en place un système ingénieux de chaudière à pyrolyse pour diminuer l’utilisation de bois. Grâce à ce système, ce sont les coques des noix qui servent de combustible et non le bois. Non seulement cette technique permet de réduire la déforestation, d’éviter le rejet de fumées toxiques, mais elle améliore également la qualité des produits.
Le développement de filières équitables et durables est donc un levier puissant de développement local, de création d’emplois décents et d'autonomie des paysans et paysannes.
« Je suis le directeur de la Coopake, une coopérative créée en 1963 à l’ouest du Burkina Faso qui regroupeaujourd’hui 273 productrices et producteurs dont 33% de femmes, et qui produit des mangues, de la cajou, de l’hibiscus,du sésame et bien d’autres produits.
Une journée de travail à la coopérative est une journée difficile, c’est du travail artisanal, sans machines, sous une température qui peut monter à 45 degrés sous les arbres.
Nous vendons aujourd’hui nos produits sur les marchés européens, asiatiques et canadiens grâce à l’appui de partenaires comme le Programme Équité dans nos recherches de débouchés. Nous sommes certifiés biologique et équitable, ce sont des conditions d’accès à des marchés internationaux rémunérateurs. Ces certifications sont l'œuvre de la coopérative, qui s’occupe de tout le suivi, de la production à la transformation, garantissant la qualité du produit et l’accès à ces marchés. Nous avons choisi de nous occuper nous-mêmes de la transformation car en vendant brut, il n’y a pas de valeur ajoutée sur le produit.
On peut aujourd’hui estimer que 3 000 familles vivent grâce à cette coopérative. Le meilleur moyen de les soutenir c’est de chercher les marques Ethiquable ou Casamance dans les rayons. »