Avec environ 385 millions d’intoxications graves liées aux pesticides dans le monde chaque année, l’utilisation massive de ces substances entrave directement le droit des paysans et paysannes à travailler dans des conditions qui respectent leur santé et leur sécurité, pourtant inscrit dans la déclaration adoptée par l’ONU.
Maladies chroniques, troubles neurologiques ou intoxications aiguës : les effets dévastateurs des pesticides sur la santé humaine sont nombreux et connus. Face à ces risques, la promotion et le développement d’alternatives agroécologiques aux pesticides, comme la production de bio-intrants, les associations et rotations de cultures ou le choix de variétés rustiques, sont au cœur des actions d’AVSF.
Toutefois, ces pratiques ne peuvent se mettre en place du jour au lendemain. L’adoption de ces solutions est souvent freinée par des coûts initiaux élevés, une baisse temporaire des rendements, une plus grande pénibilité du travail ou un manque d’accès à des formations adaptées. Pendant ces périodes de transition, comment protéger au mieux la santé des paysans et paysannes ?
Un manque d’accès à l’information
« 66 % des produits recensés dans le département ne sont pas homologués au niveau du CSP (Comité Sahélien des Pesticides). Parmi les matières actives, 50 % sont interdites dans l’Union européenne et 12 % provoqueraient des cancers » alerte Younoussa Barry, agronome d’AVSF sur le projet Thiellal, au Sénégal. Ces substances, souvent importées de Chine, d’Inde mais aussi de France, sont vendues sur les marchés locaux, via des vendeurs informels qui ne sont pas en mesure de fournir des conseils adaptés ou des mises en garde sur leur toxicité.
Ce manque d’informations engendre de nombreuses mauvaises pratiques qui aggravent les dangers déjà intrinsèques aux pesticides. Younoussa Barry témoigne : « la majorité des paysans stockent leurs pesticides dans les concessions, à la portée des enfants et des animaux, ou dans les greniers, près des stocks de nourriture. Certains jettent les restes directement dans l’environnement de la parcelle traitée ou dans les toilettes. »
Diffuser les bonnes pratiques
Pour répondre à ces défis, AVSF et ses partenaires sénégalais ont mis en place des actions de sensibilisation innovantes : visites à domicile, causeries entre villageois et création de supports de communication visuels (affiches, dépliants). Ces initiatives permettent aux paysans et paysannes d’accéder à des informations fiables sur le stockage, le dosage et les bonnes pratiques de manipulation de ces produits.
Le projet a également permis de distribuer des équipements de protection individuelle. Un enjeu central pour protéger des risques immédiats dans une région où « seulement 14 % des paysans disposent d’un équipement complet, comprenant une combinaison, des lunettes, des gants, des bottes et un masque », comme le précise Younoussa.
Savoir réagir face aux intoxications
Pour compléter cette approche préventionniste, AVSF a collaboré avec des professionnels de santé. Au Mali par exemple, les formations dispensées aux communautés paysannes ne se limitaient pas aux tests d’alternatives avec des produits naturels. Les participants ont aussi échangé sur les principaux risques sanitaires liés aux pesticides ainsi que sur les symptômes d’intoxication et la conduite à adopter.
La lutte contre les pesticides dépasse donc la mise en place de solutions techniques. C’est un combat pour les droits des paysans-nes : le droit de ne pas manipuler des substances dangereuses, de ne pas être exposés à des produits chimiques toxiques et de travailler dans des conditions respectueuses de leur dignité et de leur santé.
Par ses projets, AVSF ne se contente pas d’accompagner les transitions agroécologiques mais plaide à l’échelle locale et internationale pour un modèle agricole où les paysans-nes ne sont plus victimes de systèmes nocifs. Parce que leur droit à une vie et à un travail sans danger est non négociable.