En novembre 2024, dans le nord du Sénégal, les vastes zones pastorales du Ferlo ont accueilli des visiteurs inattendus : des éleveurs et éleveuses venus tout droit de Mongolie. Un voyage inédit organisé par AVSF pour renforcer la résilience de l’activité pastorale par le partage d’expériences.
Si AVSF avait déjà été à l’initiative de rencontres entre techniciens-nes de zones géographiques éloignées, c’est la première fois que l’ONG organisait un échange entre éleveurs-euses directement. Pendant cinq jours, Khurelbaatar et Bolortuya ont partagé le quotidien de leurs homologues peuls, accompagnés par les équipes d’AVSF, dont Stefano Mason, chargé de programme élevage et santé animale. Il témoigne : « C’était extrêmement intéressant de vivre cette expérience et de voir comment, entre éleveurs, le langage est commun. La compréhension était immédiate. Les questions et les préoccupations étaient les mêmes malgré les 14 000 kilomètres qui les séparent »
Contextes différents, défis partagés
En effet, malgré les réalités climatiques et culturelles radicalement différentes entre les steppes mongoles et les zones arides du Sahel, les éleveurs-euses ont rapidement identifié des défis communs. Impact du changement climatique, accès aux ressources, valorisation de produits, vols de bétail et conflits, transmission du métier aux prochaines générations : les éleveurs-euses ont pu partager leurs savoir-faire, leurs expériences et leurs doutes. Pour Stefano, ces échanges entre pairs sont précieux. Ils mettent en lumière les solutions techniques, sociales, organisationnelles qui peuvent être mises en place par d’autres communautés à travers le globe. « C’était intéressant de voir les éleveurs mongols inspirés par les pratiques de leurs pairs et se dire « pourquoi on ne ferait pas ça chez nous ? » »
S’enrichir mutuellement
L’un des moments marquants de l’échange fut la visite d’un marché hebdomadaire local. Ce modèle sénégalais, plus flexible que le système mongol, a suscité l’intérêt de Khurelbaatar. « Dans mon pays, plus particulièrement dans la région du Gobi, les éleveurs n’ont la possibilité de vendre leur bétail en gros qu’une seule fois dans l’année. Ici, les éleveurs peuvent vendre leurs bêtes pendant la transhumance de façon hebdomadaire, et c’est quelque chose qu’on pourrait essayer de répliquer chez nous. » Bolortuya a elle été inspirée par les systèmes de gestion collective des pâturages au Sénégal. « J’ai découvert plein de choses intéressantes sur le fonctionnement des groupes d’usagers de pâturage. Ce qui m’a marqué, c’est que les membres du groupe décident tous ensemble et s’entendent collectivement sur les parties du territoire à ouvrir à la transhumance. Cette méthode de prise de décision m’a parue très pertinente. »
De son côté, Samba, éleveur sénégalais, a découvert que le pastoralisme dépasse les frontières. « J’ai beaucoup appris de leurs explications. Grâce à cette rencontre, j’ai compris que ce n’est pas seulement en Afrique que le pastoralisme existe, mais aussi en Europe, en Asie et en Amérique. Et cela me donne confiance pour la suite. »
« Ces rencontres font émerger des solutions concrètes, adaptées aux réalités de terrain », conclut Stefano Mason. Ce type d’échange incarne l’approche d’AVSF : partir des savoirs des éleveurs-euses, les mettre en lien, et créer les conditions pour que chacun et chacune reparte avec des idées applicables chez lui.
