Entre les mains de paysannes-nes colombiens, de petites graines remplissent un grand rôle : celui de préserver la souveraineté alimentaire, les savoirs ancestraux, la biodiversité, et plus largement, une vision de l’agriculture indissociable de la vie, de la mémoire et des territoires.
Des semences menacées, un patrimoine à préserver
Les semences paysannes sont le fruit d’un savoir transmis de génération en génération. Sélectionnées au fil du temps par les communautés, elles présentent des qualités remarquables : plus nutritives, plus résistantes aux maladies ou aux risques climatiques, souvent mieux adaptées aux conditions locales que les semences industrielles. Elles garantissent l’autonomie des paysans-nes.
Mais aujourd’hui, de nombreuses variétés ancestrales disparaissent, menacées par l’emprise de l’agro-industrie, l’homogénéisation génétique, les brevets et la disparition des savoirs traditionnels.
Et ce qui est en jeu ne se limite pas à l’agriculture. Autour des semences gravitent des langues, des récits, des pratiques spirituelles et des modes de gestion collective. Préserver ces graines, c’est aussi préserver le droit des peuples à se nourrir, à se soigner, à habiter leur territoire, et à le faire selon leurs propres règles.
Le troc de semences, au cœur du projet ARRIC
Face à ces enjeux, AVSF agit concrètement en Colombie, avec le projet ARRIC (Appui à la Réforme Rurale Intégrale en Colombie), lancé en 2024 dans quatre départements (Córdoba, Sucre, La Guajira et Caldas). En accompagnant la transition agroécologique et l’élaboration de politiques publiques, ARRIC redonne du pouvoir aux communautés rurales pour qu’elles puissent défendre leur mode de vie, leurs savoirs… et leurs semences.
Entre activités de plaidoyer, formations, organisation de visites et d’échanges entre différentes organisations paysannes colombiennes et françaises, une des actions du projet ARRIC est l’échange de semences paysannes. Ces foires ne sont pas que de simples espaces de troc. Ce sont des actes politiques, des mécanismes de résilience collective. Elles permettent aux communautés de préserver la diversité génétique, de renforcer leur autonomie alimentaire et économique, de tisser des liens et de faire vivre les savoirs ancestraux.
Jackelin Gil, productrice de la coopérative ASPROAL, témoigne : « échanger nos graines, c’est vraiment important parce que ça nous permet de partager avec d’autres organisations ce que l’on prend soin de préserver, ce que l’on cultive, et c’est comme si on leur transmettait notre identité et qu’eux nous transmettaient la leur, c’est vraiment magnifique. » Et cela se voit sur les étals : courges, potirons, haricots, riz, maïs, pois cajan… La diversité est au rendez-vous. Chaque foire est l’occasion de découvrir, d’essayer, et d’adopter de nouvelles variétés.
Ces échanges de semences donnent vie à une politique publique ambitieuse, qui, depuis 2024, reconnaît officiellement l’agrobiodiversité comme une richesse essentielle des cultures paysannes et autochtones. Ils concrétisent un droit fondamental : celui de protéger, partager et transmettre ces trésors agricoles comme un bien commun, au cœur des territoires.