Trois maladies émergentes sur quatre proviennent des animaux. Ces zoonoses, qui se transmettent de l’animal à l’humain, sont responsables chaque année de 2,7 millions de décès dans le monde. La mondialisation des échanges et des transports, l’intensification de l’agriculture industrielle et la proximité croissante entre humains, animaux domestiques et faune sauvage favorisent leur propagation. En Irak, l’une de ces maladies menace les populations et leurs animaux d’élevage : la brucellose.
Le fléau des marais irakiens
Au sud de l’Irak, là où le Tigre et l’Euphrate se rencontrent, des marais s’étendent sur des milliers d’hectares. Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, cette zone marécageuse héberge les Maadans, ou « Arabes des Marais », et des dizaines de milliers de buffles d’eau. Les troupeaux vivent sur des îlots, se nourrissent de roseaux et se baignent dans les canaux pour se protéger de la chaleur. Leur lait constitue la principale source de revenus et d’alimentation des familles. Mais aujourd’hui, un buffle sur cinq est contaminé par la brucellose. Cette maladie se transmet aux humains par le lait cru ou le contact avec les animaux malades. Fièvre, douleurs chroniques, complications graves : les éleveurs et éleveuses et leurs familles en paient le prix fort. Pourtant, peu d’actions sont aujourd’hui engagées de la part des autorités nationales pour tenter de limiter l’impact de la maladie et maîtriser sa propagation.
Des unités mobiles au service des éleveurs
Face à cette urgence, AVSF est mobilisée depuis 2022 dans la zone pour soutenir les éleveurs. En partenariat avec l’ONG irakienne IGCO (Iraqi Green Climate Organization), deux unités vétérinaires mobiles ont été déployées. À bord d’un bateau et d’une voiture, les quatre vétérinaires irakiens, deux hommes et deux femmes, sillonnent le marais pour rejoindre les familles, même les plus isolées. Leur rôle : assurer sur demande des consultations et des soins aux troupeaux. Un volet de formation et de prévention a également été mis en place. Dans un premier temps, pour sensibiliser les éleveurs à l’hygiène de la traite, à la transformation sécurisée du lait et aux risques pour tous les consommateurs. À plus grande échelle, AVSF organise des sessions destinées à des vétérinaires. En février dernier, la présidente d’AVSF, Barbara Dufour, a animé une formation au Thiar General Veterinary Hospital de Nasiriyah. Pendant trois jours, les participants et participantes ont renforcé leurs compétences sur trois maladies majeures présentes en Irak, zoonotiques et/ou d’importance économique : la brucellose, la fièvre aphteuse (FMD) et la fièvre hémorragique Crimée-Congo (CCHF). L’objectif de ces formations : donner aux vétérinaires les outils nécessaires pour agir efficacement et leur permettre de transmettre directement leurs connaissances aux éleveurs et aux éleveuses.
Vers une campagne de vaccination
Au-delà de l’accompagnement auprès des éleveurs et des vétérinaires, AVSF travaille avec les pouvoirs publics locaux pour lancer une campagne pilote de vaccination et de surveillance dans la zone du projet. Bien que sa mise en œuvre à l’échelle nationale ne puisse être décidée que par l’État irakien, cette campagne représenterait une première étape clé. Elle ouvrirait en effet la voie à un objectif ambitieux : maîtriser la propagation de la brucellose, protéger les familles et, à terme, éradiquer cette maladie dans la région.
Le projet “buffles d’eau” a déjà un impact tangible sur les familles de Maadans : moins de pertes de bétail, une meilleure sécurité économique et des pratiques vétérinaires plus fiables. En renforçant l’autonomie des éleveurs et la formation des vétérinaires locaux, AVSF pose les bases d’un système durable de santé animale.