[Communiqué de presse – 01/07/2025]
AVSF et ETHIQUABLE appellent à une réforme urgente du règlement européen 2018/848. Depuis son entrée en vigueur dans les pays tiers en janvier 2025, il provoque des effets préoccupants pour la pérennité de filières bio issus des organisations de petits producteurs et productrices.
Pensé pour renforcer la crédibilité du bio, le nouveau cadre de production biologique introduit pour la première fois un principe de certification collective des petits producteurs. Pourtant, dans sa forme actuelle, cette avancée ne répond pas aux besoins des organisations paysannes du Sud engagées dans la bio et engendre des coûts, des contraintes et des risques d’exclusion qui menacent de nombreuses filières bio.
L’ONG Agronomes & Vétérinaires Sans Frontières (AVSF) et la SCOP ETHIQUABLE s’appuient sur les retours de terrain de dizaines d’organisations de producteurs partenaires des pays du Sud pour alerter les institutions européennes. Le constat est sans appel : la nouvelle réglementation compromet gravement l’avenir des petits producteurs dans les filières bio.
🔎 Lire la note de positionnement portée par AVSF et ETHIQUABLE
Constat sur le terrain : surcoûts, exclusion et risque de pénurie
- Explosion des coûts de certification : audits multipliés, échantillonnages plus nombreux, analyses coûteuses à l’exportation… les charges de certification ont doublé pour de nombreuses coopératives (ex. : +115 % au Togo sur le cacao).
- Désorganisation des filières : la limitation arbitraire à 2 000 membres par groupement de producteurs impose des restructurations lourdes, inadaptées aux réalités du terrain.
- Risque d’abandon : sans accompagnement, nombre d’organisations de producteurs sont tentées de se retirer de la bio, provoquant déjà des baisses de volumes, notamment pour les productions de café, cacao, cajou et karité.
Au Burkina Faso, COOPAKE, qui commercialise plusieurs produits (cajou, hibiscus, sésame, mangue), se voit désormais imposer trois visites d’audit par an dont une visite inopinée, contre une seule auparavant, du fait de la diversité de sa production. Ici, les coûts de certification ont doublé.
Une avancée à surveiller : la reconnaissance de la certification collective
Pour la première fois, la réglementation européenne reconnaît le droit des producteurs-ices à posséder leur certificat bio – un levier clé d’autonomie économique. Mais ce droit est contourné par certains opérateurs qui continuent de confisquer la certification, via des montages juridiques pour conserver le certificat.
Au Cambodge, dans la région de Preah Vihear, des producteurs livrent un exportateur de cajou bio, une usine de transformation de manioc bio, et enfin un troisième exportateur de riz. Au total : trois certificats bio dont aucun n’appartient à la coopérative de producteurs-ices.
Nos demandes aux institutions européennes
Pour garantir une bio crédible et inclusive, AVSF et ETHIQUABLE formulent 4 propositions concrètes :
1. Reporter l’application du règlement 2018/848 dans les pays tiers à décembre 2026.
2. Encadrer les coûts de certification et mettre fin aux pratiques abusives.
3. Créer un observatoire indépendant pour évaluer l’impact réel de la réglementation.
4. Renforcer la voix des producteurs-ices dans les instances de régulation et veiller à l’application stricte de la propriété des certificats bio.
Un enjeu global pour la souveraineté alimentaire et la transition écologique
En excluant les plus petits acteurs, la bio risque de se recentrer sur des filières industrielles au détriment d’un modèle paysan, plus résilient, respectueux des écosystèmes et porteur d’un développement local. Il est urgent de réconcilier rigueur et équité dans l’application des normes européennes.
Une alliance légitime pour porter la voix des producteurs et productrices
AVSF et ETHIQUABLE unissent leurs expertises complémentaires pour défendre une agriculture biologique à la fois rigoureuse, paysanne et équitable. AVSF agit depuis plus de 40 ans aux côtés des organisations paysannes du Sud. ETHIQUABLE, une entreprise coopérative pionnière du commerce équitable, travaille directement avec plus de 110 coopératives dans 29 pays en offrant des débouchés rémunérateurs sur le marché français. Ensemble, elles témoignent des conséquences concrètes du règlement bio sur le terrain, et portent des propositions réalistes, issues de l’expérience et du témoignage de leurs partenaires en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie.
Contacts presse
AVSF : Aline ABDERAHMAN, a.abderahman@avsf.org
ETHIQUABLE : Cécile CHARRIER, ccharrier@ethiquable.coop