Fatou Senghor, experte genre et coordinatrice AVSF à Vélingara, nous parle de la situation des femmes au Sénégal

Quelle est la situation des femmes rurales au Sénégal ? 

Les femmes rurales représentent 52 % de la population sénégalaise et composent 70 % de la main-d’œuvre agricole. Elles produisent la plupart des aliments consommés localement : la FAO (2011) estime que les femmes produisent 60 à 80 % des aliments de consommation familiale. Par conséquent, les femmes rurales constituent le fondement de l’agriculture au Sénégal. 

Paradoxalement, elles constituent le segment le plus vulnérable à la pauvreté. En effet, 5,2 % des femmes seulement pratiquent une méthode moderne de planification familiale. 71,8 % sont analphabètes. Leurs droits sont confinés à l’unique statut de femme au foyer responsable de l’éducation des enfants, de la riziculture, de l’élevage des petits ruminants et du maraîchage de subsistance. Enfin, elles ont un accès très limité aux principaux facteurs de production agricole : foncier, main d’œuvre, manque de formations et de services adéquats d’information, de vulgarisation et de conseil destinés aux femmes dans divers domaines, équipements et capital financier pour l’essentiel. Que d’obstacles à surmonter pour devenir une femme libre et autonome ! 

Justement, quelles sont les autres discriminations dont elles sont victimes ? 

Parmi les nombreux problèmes rencontrés figurent d’abord les mauvaises conditions d’hygiène, les contraintes d’accès à l’eau et surtout à l’eau potable. Ensuite, elles manquent considérablement d’information et de maîtrise de leurs droits et de leur santé sexuelle et reproductive, qui entraînent des grossesses à un âge précoce. Le taux de prévalence du VIH/sida est également beaucoup plus élevé chez les femmes. Enfin, elles sont victimes de pratiques et de coutumes préjudiciables telles que les mutilations génitales : un quart des femmes de 15 à 49 ans ont déclaré en avoir été victimes. 

Quels types d’actions menez-vous à Vélingara en faveur des femmes ? 

Nous formons d’abord les femmes à l’agroécologie et à l’alphabétisation fonctionnelle pour améliorer les pratiques agricoles, mais aussi pour parvenir à une production agricole saine, qui s’inscrit dans la durabilité, le respect de l’environnement et la conservation du tissu social. 

Nous renforçons les organisations de producteurs et productrices, afin qu’elles développent une agriculture paysanne performante et au sein desquelles nous promouvons l’égalité femmes–hommes, en vue de changer les comportements. Intensifier l’autonomie des femmes, leur connaissance de leurs droits et contribuer à leur participation à la gouvernance de ces organisations est au cœur de cet appui. 

Cela s’accompagne par conséquent d’un renforcement du leadership féminin en développant la connexion entre des groupes de femmes. Nous conduisons enfin des actions de plaidoyer auprès des décideurs et des partenaires techniques et financiers pour faire changer les politiques et obtenir une réelle prise en charge des problématiques des femmes dans l’agriculture au sens large. 

En quoi ces actions ont-elles amélioré la situation des femmes ? 

Un exemple marquant : quand AVSF est arrivée en 2001 à Vélingara, les femmes avaient du mal à obtenir la permission de leur mari pour venir participer aux rencontres et aux échanges que nous organisions. Pour faire évoluer la situation sans changer l’ordre établi, je faisais le tour des ménages pour expliquer aux maris le pourquoi du comment de l’invitation. Aujourd’hui, ce sont ces maris qui emmènent leurs femmes à moto pour participer aux activités des projets. 

Grâce à notre appui, les femmes participent aux prises de décisions et au budget des familles. Les formations techniques, l’élaboration de plans économiques et marketing ont également permis d’augmenter leurs revenus. Ces femmes sont davantage reconnues et mieux impliquées dans toutes les décisions au sein de leur communauté, ce qui leur confère une certaine fierté, une meilleure estime d’elle-même et une meilleure entente au sein du ménage.

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