La parole au Dr Abdou Badiane

Dr Abdou Badiane

Enseignant-chercheur en nutrition à l’Université de Dakar et membre du Laboratoire de Recherche en Nutrition et Alimentation Humaine.

Avec plus de plus de dix ans d’expériences dans la recherche et le développement, il travaille sur les questions de systèmes alimentaires, de nutrition et de durabilité, avec une attention particulière portée aux groupes vulnérables.

En quoi ce que nous mettons dans nos assiettes impacte notre santé ? 

L’alimentation est l’un des déterminants majeurs de la santé. Aujourd’hui plusieurs pays dans le monde font face à une transition alimentaire marquée par un abandon des régimes traditionnels diversifiés et nutritifs au détriment d’une consommation excessive d’aliments ultra-transformés, riches en sucres, en graisses saturées et en sel, qui favorise l’augmentation des maladies non transmissibles (MNT) comme le diabète, l’hypertension et l’obésité, affecte le capital humain, exerce une pression sur les systèmes de santé et impacte l’économie des pays, notamment ceux à faibles revenus. 
 

L’exposition aux pesticides ou aux résidus chimiques représente également un risque pour la santé à long terme. En effet, les produits chimiques toxiques présents dans les aliments sont connus pour être responsables d’un ensemble de problèmes de santé humaine, qui comprennent divers cancers, des dysfonctionnements des reins et du foie, des déséquilibres hormonaux, la suppression du système immunitaire, des maladies musculosquelettiques, des malformations congénitales… Ces troubles sont répandus dans tous les pays.

La consommation d’aliments impropres est à l’origine de plus de 200 maladies, allant de la diarrhée au cancer (OMS, 2015). Il y a dix ans, les estimations de l’OMS au niveau mondial disaient qu’une personne sur 10 tombe malade chaque année à cause des maladies d’origine alimentaire, entraînant 420 000 décès.

 

Quelles sont les conséquences des régimes alimentaires peu diversifiés sur la santé, en particulier dans les pays du Sud ?

Dans les pays du Sud, les régimes alimentaires peu diversifiés et pauvres en nutriments essentiels entraînent souvent une faible consommation d’aliments nutritifs comme les fruits et légumes et une dépendance excessive aux céréales ultra-transformés et aux autres aliments riches en calories.

Selon le dernier rapport SOFI (FAO/IFAD/UNICEF/WFP/WHO, 2025), l’alimentation des femmes et des enfants est sous-optimale pour la majorité d’entre eux, car seuls 48% des femmes et 24% des enfants en Afrique ont une alimentation diversifiée.

Ce manque de diversité alimentaire se traduit par une maigreur, un retard de croissance et des carences en micronutriments essentiels comme le fer, le zinc, la vitamine A ou l’acide folique. Ces déficits nutritionnels fragilisent le système immunitaire, compromettent la croissance et le développement des enfants, et augmentent le risque de maladies liées à la malnutrition, notamment l’anémie. Ce manque de diversité alimentaire maintient les pays du Sud dans une situation de triple fardeau de la malnutrition marquée par la coexistence entre la sous-nutrition, les carences en micronutriments et le surpoids/obésité préparant le terrain à l’essor des maladies chroniques non transmissibles.

 

 

En quoi une agriculture paysanne diversifiée peut-elle améliorer la qualité de l’alimentation et prévenir ces risques ?

L’agriculture paysanne diversifiée est une stratégie basée sur la communauté et s’attaque principalement aux causes sous-jacentes de la malnutrition (Black et al., 2013). Selon la FAO, l’agriculture paysanne diversifiée peut jouer un rôle central dans la promotion d’une alimentation saine en facilitant la production d’aliments à haute valeur nutritionnelle, culturellement adaptés, sains, de qualité et abordables pour satisfaire durablement les besoins alimentaires des populations (FAO, 2018). En effet, en produisant une variété d’aliments (céréales, légumineuses, fruits, légumes, produits animaux), elle garantit un meilleur accès à des nutriments essentiels et réduit la dépendance aux importations et aux aliments industriels transformés. Elle constitue aussi un moyen pour préserver la biodiversité, renforcer la résilience des communautés rurales et soutenir l’économie locale. A travers son approche communautaire territorialisée, l’agriculture paysanne diversifiée a la capacité de faciliter le lien entre les producteurs et les consommateurs, et régler de façon durable les enjeux de santé et de nutrition.

 

 

Quels messages souhaiteriez-vous adresser aux décideurs publics pour mieux rapprocher politiques agricoles et politiques de santé ?

Voici quelques recommandations qui me semblent importantes :

  •  Mettre en place des politiques publiques intégrant explicitement les objectifs de nutrition dans les secteurs comme la santé, l’agriculture, l’éducation, le commerce, l’industrie, la protection sociale, etc. 
  • Mettre en place des systèmes financiers et réglementaires pour accompagner les producteurs dans des pratiques agricoles durables (agroécologie, etc.) visant à rendre les aliments nutritifs plus abordables et accessibles au bénéfice des populations, notamment les plus vulnérables.
  • Renforcer les connaissances et le pouvoir d’action des consommateurs en leur donnant plus facilement accès à des informations claires sur les incidences environnementales, sociales et sanitaires de leurs choix alimentaires, tout en veillant à ce que même les ménages vulnérables puissent bénéficier du changement.

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