Pouvez-vous expliquer en quoi consiste la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des paysans-nes (UNDROP) ?
L’UNDROP est tout d’abord le résultat d’années d’efforts, initiées au début des années 2000 par l’organisation internationale de paysans « Via campesina » afin de faire face aux violations répétées de leurs droits à produire et faire vivre leurs famille, avec des évictions forcées et l’accaparement de leurs terres.
En 2012, la négociation d’un texte est entrée dans une phase concrète au sein du Conseil des Droits de l’Homme, sensible à la situation de pauvreté et de faim systémique vécue par les paysans et notamment les paysannes. En décembre 2018, l’Assemblée Générale des Nations Unies a finalement adopté la Déclaration des droits des paysans et autres personnes travaillant en zone rurale. Le texte est composé de 28 articles précisant notamment le droit à la terre, aux semences, à la biodiversité, mais aussi à l’éducation, la justice, la participation aux décisions les concernant.
Le premier article est très important car il définit ce qu’est un paysan ou une paysanne de façon très étendue, permettant de décrire la réalité des millions de petits producteurs d’aliments, qui articulent souvent plusieurs fonctions, qu’ils soient cultivateurs, éleveurs, pêcheurs, ou exerçant des activités artisanales.
Dans quelle mesure cette déclaration est-elle contraignante pour les États, et comment peut-elle être mise en œuvre concrètement ?
Une déclaration est un texte non contraignant pour les Etats. Toutefois les articles s’appuient en général sur des textes qui eux le sont, comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, les droits des travailleurs ou le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.
La mise en œuvre concrète de l’UNDROP peut prendre plusieurs aspects. Il peut y avoir une application volontariste dans l’élaboration de la constitution et des lois agraires d’un pays, comme c’est le cas en Colombie. L’UNDROP peut aussi être utilisée comme un outil juridique pour la défense des droits des paysans et paysannes dans des situations particulières de violation de droits. L’accumulation de cas de jurisprudence où la déclaration est utilisée construira la force de cet instrument.
Depuis son adoption en 2018, quelles évolutions constate-t-on ?
Instruire et documenter ces questions est justement au cœur du mandat du Groupe de travail de l’ONU et fera l’objet de notre prochain rapport prévu à l’automne 2025. On peut déjà noter la poursuite de la concentration des systèmes agro-alimentaires mondiaux dans les main d’un nombre toujours plus réduits d’acteurs toujours plus puissants. La défense du système semencier paysan est une gageure face au développement des Nouvelles Technique Génomiques de sélection, et la multiplication des brevets. L’accaparement des terres continue, même si certains pays ont mis en place des mesures protectrices.
Quelles synergies entre plaidoyer juridique et projets de terrain sont essentielles pour protéger les droits des paysans-nes ?
Le travail est immense et les convergences indispensables pour faire avancer une vision humaine et durable de nos sociétés. L’agriculture paysanne et l’agroécologie doivent se développer sur le terrain, adaptées aux réalités de chaque territoire. Le cadre et les outils juridiques sont là pour protéger ce développement.
Concrètement, il est aussi indispensable que les acteurs de terrain informent notre groupe de travail sur leurs réalités, les lois qui les protègent, mais aussi les manquements et les violations des droits qui leur font obstacle.