Gestion concertée des ressources en eau au Mali : une expérience originale à l’épreuve des pratiques locales

Auteur(s) : sous la direction de

Année : 2011

Hydraulique pastorale au Mali

La gestion concertée des ressources en eau au Mali : une expérience originale à l’épreuve des pratiques locales
Capitalisation de l’expérience du projet de sécurisation de l’élevage pastoral, gestion de l’eau et hydraulique pastorale dans les régions de Mopti et Tombouctou

Au Mali, l’élevage entre pour plus de 13 % dans le PIB national et fournit 80 % des revenus des populations rurales vivant des systèmes pastoraux. Il représente aussi le 3ième produit d’exportation du Mali. L’élevage pastoral reste pourtant le parent pauvre des budgets alloués par l’Etat à la filière, malgré des avancés politiques encourageantes ces dernières années avec le vote de deux décrets d’application de la Charte Pastorale. L’élevage pastoral mobile est pourtant l’un des systèmes de production les mieux adaptés à l’exploitation d’écosystèmes arides et semi arides. Cette mobilité nécessite des pistes de transhumance comportant à intervalle régulier des aires d’attentes aménagées pour nourrir le bétail et des puits pour abreuver les troupeaux en transhumance. La mobilité permet de réduire la contrainte d’inégale répartition des ressources en favorisant l’accès à l’eau et aux pâturages. Le puits pastoral ou le forage déterminent souvent l’accès à des fragiles pâturages indispensables aux troupeaux transhumants pendant la saison sèche. En balisant et en sécurisant les itinéraires de déplacement vers les zones de repli méridionales, les points d’eau pastoraux permettent d’exploiter la complémentarité saisonnière des espaces de pâturage. Or ces puits sont de plus en plus surchargés, accentuant ainsi la pression sur les pâturages déjà bien dégradés. En cas de sécheresse les conflits sont alors nombreux. Cette concurrence s’est accrue ces trois dernières décennies avec la croissance démographique et la marchandisation des ressources qui, stimulée par la libéralisation des économies, entraînent une forte pression sur le foncier et les ressources pastorales, réduisant ainsi des espaces pastoraux déjà fortement entamés par la « colonisation » agricole. Des conflits parfois violents éclatent autour de l’accès à l’eau et des autres ressources partagées, modifiant les enjeux et renversant la hiérarchie des pouvoirs locaux.

C’est dans ce contexte qu’AVSF et ICD ont mis en œuvre entre 2007 et 2011 un projet de gestion concertée des ressources pastorales (PROSEL), en particulier l’eau, pour sécuriser l’élevage transhumant et garantir la mobilité pastorale dans les régions de Mopti et Tombouctou. Outre de souligner une fois de plus l’importance de l’investissement en hydraulique pastorale sur ces territoires sahéliens, les expériences engagées ont permis d’élaborer une stratégie d’intervention adaptée à la réalité des systèmes pastoraux : la connaissance des systèmes sociaux et historiques de régulation des  ressources en eau limite les erreurs que pourrait commettre les opérateurs du développement privilégiant le volontarisme à la concertation locale : l’avis des principaux utilisateurs des puits et le respect de leurs positions et règles historiques sont des conditions indispensables à la réussite des actions d’amélioration de l’hydraulique pastorale. Le temps de la concertation avec les utilisateurs est par ailleurs indispensable pour trouver un compromis sur les techniques de réparation à mettre en œuvre et les systèmes de gestion à adopter. En amont, des cadres de concertation pluri acteurs au niveau du Cercle favorisent le consensus local et permettent d’identifier collectivement les priorités en terme d’aménagement hydraulique sur une échelle territorial plus vaste, qui prenne en compte les mouvements de transhumance et privilégie donc une demande orientée vers les points d’eau de parcours stratégiques, outre les puits d’attache fortement appropriés par les communautés locales et par des privés.

L’approche technique sur les puits doit répondre à un souci d’amélioration de la qualité de l’eau car les puits pastoraux servent à l’alimentation du cheptel mais aussi des hommes. Or l’eau est à l’origine d’une mortalité élevée,  conséquence d’épidémies de diarrhées (dysenterie), fièvre typhoïde ou encore de maladies parasitaires. D’un point de vue juridique, le droit d’accès à une eau potable de qualité est sécurisé uniquement si le droit pastoral sur la terre est reconnu. La reconnaissance juridique du foncier pastoral comme un mode d’exploitation des terres est donc nécessaire pour garantir le droit à l’eau et la reconnaissance d’un droit pastoral par l’Etat.

Enfin, au Mali comme dans de nombreux autres pays sahéliens, la décentralisation a redonné du pouvoir aux communautés locales. Mais les processus de transferts de compétences s’appliquent à des institutions formelles et non à des organisations coutumières, même si ces dernières sont plus adaptées aux communautés pastorales. La recherche d’un système de gestion de l’eau adapté à la fois au mode de vie pastoral et conforme au cadre réglementaire de l’Etat s’impose alors, qui prenne en compte les structures traditionnelles et pré-existantes de gestion, mises en place par les communautés d’éleveurs transhumants.

Dans ce contexte, outre la formation des élus et des techniciens sur des démarches adaptées de planification concertée et d’accompagnement à l’amélioration de l’hydraulique pastorale et de valorisation de l’économie pastorale, le renforcement d’organisations d’éleveurs, locales et nationales, en capacité de défendre l’élevage pastoral et l’intérêt des pasteurs tant auprès des communes que de l’Etat, devrait être une priorité intégrée aux actions d’appui à la gestion pastorale.

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